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Par Eclipse le 31 Mai 2011 à 17:59
C'était une journée fraîche et pluvieuse. Anna avait décidé qu'elle devait s'acheter des chaussures. Nous sommes allés dans un hôtel dans les montagnes Catskill et elle avait besoin d'une pair de chaussures d'été. Nous avions un voisin qui avait une fille de 15 ans. Cette fille aimait notre petite Natasha. Son nom était Dorothy. Anna avait parfaitement confiance en Dorothy, et elle emmenait souvent Natasha avec elle. Parce qu'Anna ne parlait pas bien anglais, je l'accompagnais. Elle n'entrait jamais dans un magasin sans y acheter quelque chose pour ne pas décevoir le vendeur. Mais quand on arrivait aux chassures, on ne pouvait être assez prévenant. J'ai pensé que je devais vérifier qu'on ne lui vendait pas de chaussures trop petites ou dont le vendeur avait voulu se débarasser. Nous vivions sur la Seconde Avenue et la Dix-Huitième Rue, où on croyait qu'il s'agissait de quartiers chics et que de nombreux riches étaient venus habiter dans les environs. A ce moment là, je suis devenu prothésiste dentaire. C'était une nouvelle profession en Amérique, et elle était bien payée. Il y avait beaucoup de magasins de chaussures dans l'avenue et nous faisions du lèche-vitrines, en passant de l'une à l'autre. Au bout d'un moment, je me suis lassé de cette activité. J'avais mon laboratoire dans mon appartement et je voulais y retourner pour travailler. Anna avait déjà acheté des chaussettes et le slip pour le bébé et elle me les a donnés, disant "Si je ne trouve pas les chaussures je veux, peut-être que j'essayerai la Cinquième Avenue."
Ces mots étaient les derniers qu'elle m'a laissé. C'était la dernière fois je l'ai vue. Plusieurs heures plus tard, j'informais la police. C'était le soir. Le policier irlandais considérais l'affaire comme une plaisanterie et m'a conseillé d'attendre plus tard dans la nuit, ou jusqu'au matin suivant. Vers une heure du matin, je suis retourné au poste et le policier de garde la nuit a suggérer que ma femme rendait probablement visite à son petit ami. Il a tout de même noté tout ce que je disais et m'a dit de venir le jour suivant si elle n'était pas revenue. J'y suis retourné pendant des jours et des semaines. Anna avait disparu comme une pierre dans l'eau. Les gens ont inventé toutes sortes de théories que vous devinez sans doute. Peut-être qu'elle avait un amant secret. Peut-être qu'elle avait retrouvé son ancien fiancé, Vladimir Machtei, et que leur amour passé était revenu. Peut-être avait elle décidé de retourner en Russie pour jette une bombe sur le tsar. De la police j'avais appris que les hommes n'étaient pas les seuls à se précipiter en Amérique, les femmes aussi. Mais aucun des cas dont j'ai entendu parlé n'était comparable au mien. Anna n'avait pas d'amants. Le bébé lui était cher. Si Vladimir Machtei avait vouloi savoir où se trouvait Anna, il aurait pu écrire à ses grands parents. Durant toutes les années où nous avons été en Amérique, il n'a jamais montré signe de vie. Au fond de moi, je connaissais la tragique et incroyable vérité : cette Anna était par nature ou par le destin - appelez cela comme vous voulez - une personne née pour perdre et pour être perdue. Elle avait perdu son argent, ses possessions, son fiancé. Elle pouvait avoir perdu l'enfant, si elle n'était pas aussi perdue elle-même. Je dis "au fond de moi", car ma raison n'accepterais jamais quelque chose d'aussi irrationnel. Qu'est-ce que cela signifie? Comment une chose ne peut devenir rien ? Les Pyramides sont debout depuis six mille ans et à moins qu'il y ait un tremblement de terre inexpliqué, ils peuvent encore rester six mille - ou soixante mille. Dans le British Museum et ici dans les grandes villes, vous trouvez des momies et des artefacts qui ont duré survécu de nombreux siècles. Si la matière ne peut changer, toute la nature est un cauchemar. C'est ce que ma logique me dicte.
Une Couronne de Plumes, Isaac Bashevis Singer
(Farrar, Straus and Giroux, Inc. 1970)
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Par Eclipse le 31 Mai 2011 à 16:30
Vous devez vous demander à quoi peut bien servir cette partie puisque quand je traduis, et je ne le fais plus puisque j'ai trouvé des traducteurs meilleurs que moi, c'est pour la Eclipse Team. Eh bien c'est simple, cette partie me servira pour mes traductions d'entraînement, comme ça, si j'ai fais des conneries, tous le monde peux me corriger! A condition d'être sûr de ne pas rendre ma traduction encore plus illisible, bien sûr
La plupart du temps, les traductions seront faites à partir de textes qu'on étudie en cours d'anglais ou d'articles du Vocable qui m'intéressent (logique, je vais pas traduire sur un thème dont j'ai horreur). Ceci dit, je me mettrais peut-être à traduire autre chose que de l'anglais, qui c'est, mais a priori, pour l'instant, seul l'anglais est concerné ici.
Je pense mettre le code suivant sur les textes concernés : titre de l'extrait/article puis la lettre "O" pour le texte original et un "T" pour la traduction, séparée du titre par un quelconque caractère (ça dépend généralement de mon humeur du moment).
Ah, j'oubliais : des fois que les traductions présentes ici vous seraient qu'une quelconque utilité, merci de demander la permission pour les utiliser et surtout de dire d'où elle viens et que c'est moi qui l'ai faite, merci!
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Par Eclipse le 31 Mai 2011 à 16:23
That day it was cool and rainy. Anna decided that she had to buy shoes. We were going to a hotel in the Catskill Mountains and shi needed a pair of summer shoes. We had a neighbor who had a daughter of fifteen. This girl loved our little Natasha. Her name was Dorothy. Anna had complete confidence in Dorothy, and she left Natasha with her. Because of Anna's lack of English, I accompanied her. Shu would never enter a store without buying something, so as not to disappoint the merchant. But when it comes to footwear one cannot be too considerate. I was supposed to see to it that she didn't buy shoes that would be too tight or a pair that the salesman wanted to get rid of. We lived on Second Avenue and Eighteenth Street, which was then considered uptown, and many wealthy people had moved into this neighborhood. By this time I had become a dental technician. It wad a new profession in America, and it paid well. There were many shoe stores on the avenue and we window-shopped, passing from one to the other. After a wanted to return to my work. Anna had already bought socks and panties for the baby, and she gave them to me, saying, "If I don't find the shoes I want, prehaps I will try Fifth Avenue."
Those were her last words to me. That was the last time I saw her. Many hours later, I informed the police. It was evening. The Irish policeman considered the whole affair a joke and he advised me to wait until later that night, or until the next morning. About one o'clock I returned to the station, and the policeman on the night shift suggested that my wife was probably visiting her boyfriend. Just the same, he wrote down everything and told me to come the next day if she had not returned. I went back for days and weeks. Anna had disappeared like a stone in the water. People came up with theories you would expect. Perhaps she had a clandestine lover. Perhaps she had found her lost fiance, Vladimir Machtei, and the old love had rekindled. Perhaps she had decided to return to Russia and throw a bomb at the czar. From the police I had learned that not only men ran away in America but women as well. But none of the cases about which I heard compared to mine. Anna had no lovers. The baby was dear to her. If Vladimir Machtei wanted to know Anna's whereabouts, he could have written to her grandparents. In all the years we had been in America, he never showed a sign of nature or fate - call it as you like - a person born to lose and to be lost. She lost her money, her possessions, her fiance. She might have lost the child, too if she had not got lost herself. I say "deep in me" because my reason would never accept anything so irrational. What does it mean? How can a thing become nothing? The Pyramids have stood in place for six thousand years, and unless there is an unusual earthquake, they may last for another six thousand - or sixty thousand. In the British Museum and here in the Metropolitan, you find mummies and artifatcs that have endured for many centuries. If matter can turn to nothing, all of nature is a nightmare. This is what my logic dictates to me.
A Crown of Feathers, Isaac Bashevis Singer (Farrar, Straus and Giroux, Inc. 1970)
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